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Matériel photo

Leica M Monochrom et Voigtlander Heliar 50f3.5

C’est un couple extraordinaire dont nous parlons là, d’un côté la version monochrome du fabuleux M9, avec son capteur CCD et son rendu film légendaire. De l’autre, le Voigtlander Heliar 50mm f3.5, le 50mm le moins cher de la gamme du fabricant Japonais et pourtant l’un des meilleurs 50 mm du marché en monture M.

Dans cet objectif, rien n’est moderne si ce n’est ses performances exceptionnelles. Aucun cran sur la bague des diaph, tout le bloc avant, jusqu’au pare-soleil, pivote avec la bague de mise au point (oubliez les filtres anti-reflets), les marquages minuscules et quasiment illisibles en plein soleil et aucun ergot sur la bague de mise au point. On se remet dans le bain des années 60 et nous voila à utiliser un matériel aussi peu convivial que le Leica d’époque de Cartier Bresson. J’adore!

Ce que j’utilise pour faire des photographies

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours fait des photographies. Mon père faisait des photographies. J’ai un arrière grand père qui en plus d’inventer des camping car faisait aussi des photographies.

Mon premier reflex m’a été offert par mes parents, c’était un Fujica ST1n avec un 50mm f1.8. J’avais 14 ans, je savais déjà ce qu’était une vitesse d’obturation et une fermeture. J’ai été plus long à comprendre la notion de profondeur de champs. Rapidement, j’ai hérité d’un Nikon FE et d’une série grandissante d’objectifs.

Par la suite, j’ai travaillé avec:

  • L’Olympus OM1n
  • Nikon Ftn
  • Nikon F
  • Bronica ETRs
  • Mamya C220 et C3
  • Nikon D70
  • Nikon D1x et D1h
  • Pentax K10d et K20d
  • Nikon D700
  • Leica M8
  • Nikon ZFc

Ceux qui connaissent leur histoire verront dans cette longue liste un trou. Je n’ai pas toujours été assez riche pour faire de la photographie tous les jours, je n’ai pas toujours vécu dans des endroits qui me motivaient à les photographier non plus et surtout j’ai eu d’autres centres d’intérêts qui m’ont permis de réussir ma vie professionnelle dans un milieu qui n’a rien à voir avec la photographie.

Aujourd’hui, je travaille avec deux machine de rêve, un Leica M9 et un M9 Monochrome. Sur ces boitiers j’utilise un trois objectifs de la marque Voigtlander, un 21mm f4, un 28mm f2 et un 40mm f1.4. Ces boitiers représentent l’ultime summum de ce que le matériel photographique peut faire parce qu’ils associent à la fois le modernisme des boitiers numériques et le rendu et la philosophie du film.

Je ne travaille qu’en JPG et ne retravaille quasiment pas mes photos. Lorsque je les travaille, cela se limite en général à un recadrage ou à une légère correction de l’exposition. Très rarement, un léger zonage d’exposition sur les N&B (comme au bon vieux temps du labo).

Le M9, RAW vs JPG

Les photos ci-dessous sont prises au M9 Leica. L’appareil a les réglages suivants:

  • Sharpening Medium High
  • Color saturation Normal
  • Contrast High
  • Exposure +1/3
  • ISO 160
  • L’objectif un 28mm f2 Ultron Voigtlander

Les raws sont développés avec Capture One V22.

Saurez-vous reconnaître qui est qui ?

À la sauvette

Le principe consiste à pré-régler l’objectif sur une distance fixe, ici un mètre cinquante centimètres, puis de déclencher au moment juste ou le sujet passe à cette distance de l’appareil. Bien entendu, on compte sur un peu de profondeur de champ, ici j’utilise un 28 mm fermé à 4.

L’appareil est porté a main levée, on prend la photo au jugé, sans même viser. Au bout d’un moment, l’habitude vient, on cadre et on estime la distance sans trop y penser, l’habitude des doigts font qu’ils savent par avance comment placer la caméra et à quel moment déclencher.

C’est une technique très commune et très simple qui s’appuie sur le développement d’une habitude (erreur et correction) pour améliorer une compétence. C’est presque une photographie physique, ou le corps calcule et agit seul. Malheureusement, elle est peu utilisée avec les appareils modernes, surtout parce que ceux-ci font la mise au point tous seuls et empêchent l’acquisition d’une connaissance par corrections d’erreurs.

Par contre, cette technique se prête très bien au Leica M, appareil discret qui tient parfaitement dans la main et dont la mise au point irrémédiablement manuelle permet de s’amuser à tout.

Je mets ici mes premiers essais, pas trop mal réussis. Je mettrai les suivants, qui ne pourront être que meilleurs, sur une galerie dédiée de LFI (lien ci-dessous).

https://lfi-online.de/en/gallery/stephane-t-850354/c3-80-la-sauvette.html

Voigtlander Ultron 28mm f2.0

Premier jour avec un Voitlander Ultron 28f2. Premier sentiment, sans être volumineux, l’objectif est plus gros que le 21f4 ou le 40f1.4 de la même marque. La finition est meilleure, la bague du diaphragme est beaucoup plus douce et la distance entre chaque cran me paraît plus régulière (bien que la séparation entre 16 et 22 est tout de même plus courte que les autres). La bague de mise au point et douce, rien à dire de ce côté là. La fabrication est sérieuse.

D’un point de vue optique, l’objectif est bien meilleur que mes autres objectifs Voigtlander dès la pleine ouverture, au point de me faire hésiter à acquérir les autres modèles de la gamme Ultron. Le vignetting est beaucoup moins présent et la qualité reste très bonne jusque dans les angles (ça change du 40f1.4 et de ses coins flous).

Globalement, Voigtlander faisait de très bons objectifs, avec ce 28, ils sont maintenant excellents.

Un nouveau Mac Donald a ouvert à Bangkok.

Habitué au 40mm et au 21mm, j’ai du mal à me placer dès le premier jour avec le 28mm, focale grand angle intermédiaire que je confonds parfois avec l’angle plus serré du 40. Je suis alors surpris de découvrir sur le LCD une scène qui ne correspond pas à l’image que je m’en faisais.

En fait, le 28mm correspond au cadre le plus grand du viseur du M9, ce qui en fait l’objectif le plus naturel pour ce boitier: ce qu’on voit dans le viseur sera ce qu’on voit sur la photo (enfin, c’est un viseur Leica, donc faut pas rêver quand même).

Mais que font-ils sous la table ?

Je n’ai aucun doute que le 28mm de Leica est excellent, mais est-il aussi bon qu’il est cher ? À n’en pas douter, le Voigtlander représente une alternative tout à fait viable au Leica, avec sa fabrication tout métal et d’excellentes qualités optiques dans un prix raisonnable. Il a tout pour satisfaire l’amateur averti.

Dans les 700 Euro, prix du neuf, je n’irai pas dépenser plusieurs milliers d’Euro pour acquérir son équivalent dans la marque au point rouge.

Ou sont les vrais photographes ?

J’ai, ces derniers temps, trainé sur le forum anglophone “Real Photographers”. Le forum en question a été créé par le fondateur du site mmc35, un site dédié à la photographie classique ou des auteurs partagent leur expérience de l’usage du film ou d’anciens appareils photographiques.

Il allait sans le moindre doute pour moi que le terme “Real Photographers” (les vrais photographes) désignait des gens passionnés et des forcenés techniques qui allaient tous parler de chimie photographique, de calculs sur les optiques et de thèses complexes sur la compositions dans un cadre 6×9. Je faisais mes premiers articles avec humilité, montrant quelques photographies faites au Leica en m’attendant à recevoir de sévères critiques.

J’ai appris en fait que le terme de vrais photographes faisait simplement référence au fait que l’ouverture d’un compte était conditionnée à la fourniture de sa véritable identité (sans même que cette identité ne soit vérifiée d’ailleurs), mais que cela n’avait aucun rapport avec une pratique approfondie des techniques de la photographie. “Real” ou “vrai” pour vraie personne.

Comme partout ailleurs, les discussions ont très vite tournées autour de la “créativité” et de “l’art”. Jusqu’à ce qu’un des intervenants montre quelques photographies floues et sans intérêt dans l’espoir de démontrer que la créativité pouvait même se passer des compétences techniques. C’est pathétique.

Il fût un temps ou la nature des équipements photographiques ne laissait aucun choix à leur utilisateur et ou il fallait en passer par l’appréhension et la compréhension de règles techniques telles que l’ouverture d’un diaphragme et le rapport avec la sensibilité du film et la vitesse d’obturation. Certains amateurs mêmes dédiaient une salle pour monter un petit laboratoire N&B ou ils développaient et tiraient leurs propres images (je l’ai fait).

La photographie est un voyage, l’image n’en est que sa destination. Les appareils photographiques modernes et les capacités de traitements des images des logiciels ont mis à porté la réalisation d’un travail professionnel à des amateurs incapables d’en comprendre les règles les plus basiques. Nous sommes inondées d’images techniquement correctes, même souvent photographiquement correctes, mais réalisées quasiment par le fruit du hasard ou d’algorithmes et non celui de la compétence et de l’expérience.

Les appareils photographiques modernes sont capables de tout, ils corrigent tout, même les flous de bougé ou les contre jours. Ils donnent des fichiers gigantesques dans les quels il devient possible de couper, de tailler, d’extraire tout et n’importe quoi à l’aide de programmes puissants et simples d’utilisations ou l’usage de l’IA permet en un ordre de détourer une image ou même de créer du contenu qui n’existe pas.

Tout ceci n’est pas de l’art, ce n’est pas de la technique, c’est juste de la triche. L’art n’a de valeur que dans le travail et la compétence qu’il transporte.

Le voyage est plus important que la destination

Depuis l’avènement des appareils photographiques digitaux, nous sommes submergés d’images. Il suffit au premier imbécile venu de prendre le dernier Nikon et de shooter en rafale n’importe quel sujet, sans même regarder dans le viseur, à plus de quinze images par seconde, dans le lot, il y en aura bien une de bonne.

Et c’est vrai, ces appareils sont extraordinaires à plus d’un titre et j’ai même vu un professionnel shooter un évènement sans jamais regarder dans le viseur. En fait, il ne manque que deux jambes pour se déplacer et un doigt pour appuyer sur le déclencheur et ces appareils n’auront même plus besoin du photographe pour les tenir.

On me dit dans mon oreillette que cela existe déjà, que ça s’appelle un drone et qu’opéré depuis une IA, il n’a, en effet, plus besoin d’un quelconque photographe.

Cette manière de faire fait peut-être de bonne photographies, mais elle ne fait pas des bons photographes. Je suis toujours béa d’admiration devant les archives de l’agence Magnum, ou des photographes, des vrais, avec un Leica, sans cellule, sans moteur et avec seulement 36 poses sur un film sortaient une série d’images et se permettaient encore d’en supprimer la plupart parce qu’elle ne répondaient pas à leurs critères de qualité (j’aimerais déjà savoir faire aussi bonne que les plus mauvaises qu’ils faisaient).

Je vous renvoie au livre “Magnum Contact Sheets”.

Nous ne manquons pas de bonnes photographies, mais de bons photographes. Loin de moi l’idée d’ailleurs de critiquer cette mauvaise façon de faire, je l’ai moi même pratiqué pendant des années. Mais c’est en ressortant mes vieux clichés, dont de nombreux sont faits au Voigtlander Bessa R2 que je me suis rendu compte que j’étais meilleur photographe avec les limitations d’un film qu’avec la liberté du digital.

Aujourd’hui, je règle mon appareil photo avant de sortir. Comme on choisit son film, je règle la saturation, la sensibilité, le “sharpening” et le contraste une fois pour toutes et, pour que chacune compte, je sors faire 36 photographies. Je n’enregistre que les JPG qui ne subissent aucun post-processing (ce qui n’est pas bon au cul de la caméra n’est pas bon tout court).